Avec cette troisième triade, nous terminons cette « balade en lune »
Remarque : les quelques mots de présentation de chaque poète sont tirés de l’ouvrage de François Cheng.
Li Yü (937-978) fut le dernier empereur de la dynastie des Tang du Sud (dont le royaume avait Nankin pour capitale). Après la conquête du général Chao K’uang-yin qui fonda la dynastie des Sung, il fut exilé au nord.
Faisant appel au tz’u (poésie chantée), alors pratiqué par les courtisanes qu’il fréquenta assidûment, il contribua à faire évoluer le tz’u qui devint le genre majeur sous les Sung).
Sur l’air de « Hsiang-Chien-Huan »
Muet
monter seul
le pavillon d’ouest
La lune – crochet d’argent -
Bouclant le clair automne
Dans la cour profonde
aux platanes solitaires
Démêler du doigt, peine perdue
Un coup de ciseaux, peine perdue
Inextricable écheveau des nostalgies !
A la pointe du cœur
ce goût
toujours autre
inaccoutumable
Sur l’air de « Ch’ang-Hsiang-ssu »
Simple rangée de montagnes
Double rangée de montagnes
Montagnes lointaines ciel estompé
fraîcheur des eaux brumeuses
Ce cœur où saignent les feuilles de sycomore…
Ouvertes les fleurs d’or
Fermées les fleurs d’or
Oies sauvages haut envolées
à quand le retour de l’homme ?
Tout un rideau de vent et de lune en loisir
Sur l’air de « I-Chiang-Nan »
Songe lointain
pays du Sud au clair automne
Frémissants de crépuscule
monts et fleuves sans fin
Un chant de flûte dans le pavillon de lune
Au profond des roseaux
une barque
Li Ch’ing-chao
Son nom, « Pure clarté » est à l’image de cette poétesse (1084 ? -1141 ?) que tout Chinois sensible porte dans son cœur.
Sur l’air de « I-Chien-mei »
Le parfum des lotus faiblit
déjà la natte sent la fraîcheur d’automne
Ma robe de soie légèrement dégrafée
je monte sur la barque d’orchidée
De quel nuage attendre un message ?
Au passage d’oies sauvages
Seule la lune inonde le pavillon d’Ouest
Les fleurs s’éparpillent
au gré du vent au gré de l’eau
Une même pensée partagée
Deux tristesses séparées
et cet ennui
A peine chassé des sourcils
Le revoici à la pointe du cœur
Sur l’air de « Su-chung-ch’ing »
Après le vin nocturne
La main est lente à ôter les peignes
Quelques fleurs de prunus éparses dans les cheveux.
Le rêve printanier ne s’accomplira pas
Silencieuse et seule seule s’approche la lune
Le long rideau tombe au sol
Des pétales de prunus dans la main
entre les doigts
Encore un peu de caresse
encore un peu de parfum
encore un instant gagné
Sur l’air de « Wan-ch’i-sha »
Faiblesse après la maladie, cheveux ornés de givre.
Un reste de lune éclaire mon lit par la croisée…
Tisane de noix muscades bouillies avec leurs tiges
non moins savoureuse que le thé.
Lecture de poésie sur l’oreiller, délice inespéré.
Dehors le paysage se rafraîchit sous l’averse.
Tout le long du jour, seule présence amie :