XIN HAI GEMING

10 octobre 2009 par Francis

Sous cette appellation curieuse et néanmoins chinoise se cache une réalité qu’il nous importe urgemment (vous allez comprendre pourquoi) d’élucider.

Comme l’explique le très savant Professeur DOMENACH (note bas de page ) XIN HAI GEMING signifie « révolution du xin hai ». Nous en déduisons que  geming veut dire « révolution », ce qui peut aisément se vérifier puisque quand on dit « wen hua da geming » tout le monde comprend que l’on parle de « révolution culturelle ». Ceci établit de manière certaine un état des choses dans lequel, en temps normal, les mots ne changent pas si aisément de sens. 

Revenons à notre XIN HAI GEMING.

En ces époques, et même depuis 1622, la Chine était gouvernée par un empereur. Rien d’étonnant à cela, il y avait longtemps que la chose durait et n’a pas un Sarkodent à portée de main qui veut. Pourtant, la tradition chinoise ne parle pas de cette période comme  celle de « la dynastie Qing« , Dynastie Qingmais  précise toujours « la dynastie mandchoue ». En effet, les Qing comme leur nom l’indique sont des mandchous venus du nord est de la Chine (là habitaient Marie Claude et Jean Pierre). Ils ont renversé (en 1622) les Ming qui sont eux, madame,  une vraie dynastie purement chinoise. La dynastie Qing bien qu’elle comporte de très grands empereurs (Kang Xi, Qian Long par exemple et mes lacunes m’empêchent de trouver d’autres exemples) demeure victime de sa tare originelle, ce n’est pas une dynastie han, elle est constituée de sans papiers… en somme.

De plus cette dynastie, depuis le début du XIXème siècle gère le pays n’importe comment. Jean Pierre nous expliquera comment la Chine se fit étriller par les puissances étrangères, la Grande Bretagne bien sûr, la France évidemment, le Japon aussi, l’Allemagne itou, c’était une telle catastrophe que même l’Italie se mit (je crois) au dépeçage en règle.

A l’intérieur ce n’était pas mieux. Les révoltes succédaient aux soulèvements:  les taiping, les poings de justice (que mon prof d’histoire appelaient les « boxers », va-t-en savoir pourquoi ?). Intrusions étrangères, concessions internationales, la Chine était écrasée par les diables d’étrangers et même les « petits hommes » (les japonais, car suite à la guerre de 1894 la Chine dut céder au Japon une partie de son territoire inaliénable « Taiwan »). Bref, la chienlit ! En plus vers la fin le pays était dirigé par une femme (vous voyez ce que je ne veux pas dire) (ouh ouh le vilain sexiste!)      Impératrice     l’impératrice Tseu Xi   acheva de ruiner le pays.

Vous pensez bien que la révolte agitait les milieux qui pensent. Des partis d’opposition se constituaient en cachette du Maître de la Police (qui s’appelait Hor Tte Feu), bref la marmite bouillait or c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes. L’âme de cette révolte, son ferment, son inspirateur,

son organisateur SUN YAT SEN était un médecin Sunyatsenchinois (né dans la province de Canton). Après des études de médecine à Hong Kong, il exerca à  Hawai (le parallèle est surprenant avec Gandhi qui, après des étude de droit à Londres exerça la profession d’avocat en Afrique du Sud et fut lui aussi un « père de la patrie »). L’obsession de SUN YAT SEN  était d’organiser l’opposition, de renverser la dynastie mandchoue et d’instaurer une république. SUN YAT SEN est un homme injustement oublié. Son portrait se trouve dans tous les lieux publics de Taiwan, dans les années 80 son portait géant figurait même en place d’honneur à Tian An Men pour le 1er octobre. (Je l’ai même vu, ce portrait, dans une école chinoise de la brousse thaïlandaise où l’on m’expliqua que c’était sans doute le fondateur de l’école !). Aventures rocambolesques survenues à SUN YAT SEN qui parcourait le monde pour chercher des subsides, il est même enlevé à Londres par la police impériale chinoise déguisée en fontaine (je ne suis pas sûr du déguisement, mais le rapt est authentique). Or pendant que SUN YAT SEN voyageait la marmite continuait à bouillir, l’agitation à monter. Or l’agitation montant ça finit bien un jour par produire une insurrection, celle ci prit la forme d’une insurrection militaire. Elle eut lieu à Wuhan le 10 octobre 1911 (10.10.11) et fut nommée la révolution  Xin Hai.

Alors là, allez vous me dire, car je connais votre esprit à la fois inquisiteur et matois voire taquin, pourquoi parler de cela aujourd’hui ? La réponse est oui.

Petit cours de chinois. Le mot mois, se dit yuè; et l’on compte ainsi: mois un (chez nous, janvier) :  » yi yuè », mois deux (chez nous février)   »er yuè », mois trois (chez nous ….bien !) san yuè…bon j’arrête.  Je saute au mois d’octobre « shi yuè ». Voyons la graphie: dix s’écrit comme une croix + . Le dixième jour du mois du mois d’octobre est donc le double dix soit plus simplement deux croix ++. La révolution geming eut lieu le 10 Octobre 1919 et est donc célébrée comme le double dix. Cette date fut la fête nationale de la république de Chine et est actuellement toujours célébrée sous ce costume à Taiwan (ROC voir note d’avant). Voilà donc ce qui me conduisit précipitamment à vous parler de la révolution xin hai, c’était parce que le 10 octobre arrivait juste devant.

Alors cette petite révolte, d’une minable garnison crasseuse, dans une bourgade sordide, d’une province inconnue dans un pays quasiment en ruines déclencha un formidable mouvement qui renversa la dynastie moribonde et permit à Bertolucci de réaliser un bien joli film….. en somme. Plus sérieusement, je ne suis pas historien de profession, vous devez bien vous douter que ma présentation sans être totalement inexacte est très très sommaire. ( ce n’est pas en l’apprenant par coeur que vous gagnerez au jeu des mille euros de questions pour un champion du « c’est mon dernier mot Jean Pierre »).

Pour en terminer avec lui (mais nous y reviendrons peut-être) SUN YAT SEN ne fut pas tellement à même de diriger les suites de cette révolution. Le pouvoir lui échappa au profit d’un fin matou le général Yuan Shi Kai. A la fin de sa vie, il mourut à Pékin. Son mausolée couvert de tuiles bleues est à Nanjing (Nankin) (ancienne capitale de la République).   Mausolee Sunyatsen NankinPour la petite histoire la femme de SUN YAT SEN est une des trois filles Song:  elle, l’aînée « aimait le peuple » et épousa SUN YAT SEN ; la seconde « aimait le pouvoir » et épousa Chang Kai Shek; la troisième « aimait l’argent » et épousa un homme très puissant et brillamment corrompu qui devint ministre des finances sous la présidence de Chang Kai Shek.

Vous avez ainsi mieux compris le sens du double dix, double tenth , + + . Par contre, vous ne savez toujours pas pourquoi cette révolution s’appela de XIN HAI.

 Note : pour le distinguer de Jean Marie DOMENACH son père, créateur de la revue Esprit s’orienta vers la sinologie. Il en est un des représentants qui, dans les années 70, s’opposa à l’entrée de Simon Leys au poste de professeur de chinois de l’université de Paris. Cet esprit ouvert, se retira en Chine pendant 2 années au cours desquelles (citation) « chaque matin il alla faire trois fois le tour du mausolée de Mao avec un encensoir ». Revenu au pays, il se fendit d’un nouvel opus qui le fit devenir l’interlocuteur patenté des radios publiques quand il est question de la Chine. Une sorte d’Onfray sinologue… en somme.

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