Sur les pas de … Claude Lagoutte

30 novembre 2009 par Daniel

Il n’y a pas que du Kérouac dans Ma Jian. Ses pensées sur le voyage truffent son Chemin de poussière rouge : pourquoi cette traversée sans fin, qui ne cesse de revenir en arrière, qui erre du sud au nord, du levant aux confins du grand ouest et jusqu’au pied de l’Everest ? 08 EVERESTQuel est le sens de cette course : fuite ou quête, et de quoi ?

Sans doute en est-il ainsi de toute bonne littérature de voyage. Qu’on pense à Nicolas Bouvier ou, plus près de nous à Sylvain Tesson, l’écrivain ouvre ces questions et se garde d’y répondre ; vertige du voyage, vertige de l’écriture, vertige tenant en haleine le lecteur immobile.

Sur ce registre, je vous blogue un court extrait de chronique de voyage au Tibet ; elle n’est pas due à Ma Jian mais à Claude Lagoutte (1935-1990). 08 claude lagoutteCe bordelais a eu deux passions liées : la peinture et les voyages. Claude Lagoutte arpentait le monde ; son pré carré intime – l’île d’Oléron inspira de nombreux tableaux dont l’un est accroché près de mon lit – comme les horizons lointains - l’Inde ou le Tibet notamment, mais maints autres pays d’Asie, et bien des contrées d’Afrique -.

Dans ses voyages, il prenait des croquis ; il travaillait ensuite à l’atelier suivant une technique qui n’appartient qu’à lui (utilisant notamment une machine à coudre, 08 machine a coudrehéritage de sa mère couturière).

Pourquoi ces voyages incessants ? Que cherchait-il ? Des couleurs, des pigments, des paysages ? Incontestablement ; sa peinture l’atteste ; et ses écrits : « Quel peintre faudrait-il ici pour rendre cette palette sourde de bruns foncés, de noirs grisés par la poussière, de glacis garance où miroite parfois l’éclat perlé d’un bijou ? Robes pourpres, prune, fuschia, moirées de terre de sienne… »

Mais sa quête ne s’arrêtait pas à ces motifs ; elle était tout autant poétique et spirituelle : « Mais que vais-je donc toujours faire dans les monastères ? 08 MONASTERE»

 

 

 

 


A l’occasion de l’exposition que lui a consacrée le musée des beaux-arts de Bordeaux en 2008, 08 museebeauxarts_clagoutte_03[1]les éditions Diabase ont publié un petit recueil, Carnets du Tibet. Carnet de voyage – notes, chroniques, - ; carnet de peintre sensible aux paysages, aux couleurs ; carnet de pensées sur le voyage, qui se referme sur ces mots :

Demain, je quitte Lhassa. 08 LHASSAJe n’aurais pas dû y venir. Les rêves sont bien où ils sont ! J’oublierai Ramoche, qui renaît péniblement de ses cendres ; le temple, si beau, découvert dans un quartier, devenu atelier de menuiserie. J’oublierai les tristes lamas-gardiens. Mais il reste toute cette route, et ses aventures ; le vent aigre, le lever du soleil dans ces plaines ceinturées de la barrière immatérielle de l’Everest, le cirque de montagnes poudrées de neige gelée, dernier amphithéâtre au bord du plateau tibétain, avant de s’enfoncer, descendre encore, et disparaître dans la faille du torrent écumeux qui se rue vers les vallées

 Darjeeling. 08 darjeelingLa lune, pleine, brille sur la vallée enneigée. Je grelotte, dans la petite maison de planches où j’ai loué une chambre, auprès du monastère ; j’y suis venu écouter un saint lama. Ici, moins de folklore, et plus de béton. Mais, peut-être aussi plus de bouddhisme…

Et je suis monté, ce matin, par la forêt, dans la neige fraîche, jusqu’à la « colline du tigre », et j’ai vu, par-dessus les vallées, au-delà du Sikkim, la crête interminable, d’un bout de l’horizon à l’autre, et les sommets irréels qui gardent l’autre monde, celui dont je rêve encore.

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